Mystérieuse

ânes

Seule, elle traversait l'unique rue du village. Elle marchait lentement, se tenait droite, ses cheveux noirs dissimulaient une partie de son visage. Il parattraît qu'on la trouvait mystérieuse. 

Hier soir, au petit festival de chansons de Simorre, elle s'était installée avec eux. Elle avait peu parlé. Elle aimait considérer que l'homme est fait ainsi : deux oreilles et une bouche, pour écouter deux fois plus que pour parler. Autour de la table, elle trouvait les discussions animées, riches en partage et en humour. Sur scène, les artistes se succédaient, ils étaient agréables à entendre et à regarder. Elle prenait plaisir à les écouter eux aussi. 

- "Et toi, Claudine, qu'en penses-tu ?"

On la réveilla de ses songes. Ce qu'elle en pensait ? A propos de quel sujet ? 

- "Oui, j'aime bien" répondit-elle au hasard.

Les autres rigolaient, ils ne la quittaient pas des yeux. Elle s'accrochait pour rattraper la réalité...

-"Sérieux Claudine, tu apprécies réellement cette musique ?"

Sur scène se produisait Fantazio et Harrisson. C'était une joyeuse troupe, un peu loufoque. Elle jouait avec les rythmes dans une répétition savante de bonnes comme de mauvaises notes et de bruits quotidiens. Leurs paroles retenaient son attention ; les mots étaient sélectionnés mais il s'agissait pour le spectateur d'en trouver le sens caché. Tout n'était pas prémâché pour une fois !

-"Oui, j'essaie de saisir l'intention des artistes. Ils nous partagent une part d'intime d'eux-mêmes. L'art, n'est-ce pas emmener son public dans l'imaginaire?" Elle avait lancé la question en l'air. Elle n'attendait ni réponse, ni débat, ni rien. Autour de la table, le silence s'était installé. Les yeux étaient écarquillés, tous restèrent muets. Bientôt, les cous se tournèrent, les regards se croisèrent, les sourires s'esquissèrent de nouveau. Lucie finit par briser l'étrange moment :

-"En effet Claudine, peut-être que cette musique s'adresse aux amateurs d'art contemporain ; quand le plaisir de la recherche de sens dépasse le plaisir de l'émotion pure." Lucie semblait avoir mis tout le monde d'accord, la table pouvait s'animer de nouveau. Claudine sentit que certains en étaient soulagés mais ne s'en vexa pas. Ca ne l'attaignait plus comme autrefois. De nouveau, elle s'éloigna d'eux, non pas physiquement mais dans son imaginaire. Là, tout lui avait semblé plus simple...

Quand elle surprit sa rêverie, elle avait largement dépassé le village ! Elle était arrivée en haut de la petite colline. Depuis là-haut, la vue était dégagée. Elle aimait l'endroit et la compagnie des ânes du près d'à côté. Elle s'assit en tailleur, et tout en s'inspirant du paysage vallonné, elle respira profondément. Les ânes s'approchèrent. Mystérieuse... Quel joli mot.

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